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Usages sociaux : Expérience d'un Lieu d’Accès Multimedia (LAM) à finalité sociale.
Posté par Y.EL YAAKOUBI & M.MAAZOUZ le 14/5/2006 17:30:40 (6343 lectures)

Synthèse d'un mémoire de recherche effectué au Département des Sciences de l'Information et de la Communication de l'Université Paul Valéry de Montpellier
par Y.EL YAAKOUBI (youness_elyaakoubi@yahoo.fr) & M.MAAZOUZI

C’est en tant qu’étudiant que nous avons le plaisir de vous faire partager notre grande expérience vécue : les Lieux d’Accès Multimédia.

Passionnés par le multimédia, nous avons pu découvrir une nouvelle dimension que pouvez offrir les technologies de l’information et de la communication, notamment dans le domaine social. Cette aventure nous a permis de rencontrer les différents acteurs de terrain qui s’investissent au quotidien dans le fonctionnement des LAM.

Suite à une investigation qui nous a conduit dans différentes structures d’accueil du dispositif LAM situé dans des environnements ruraux et urbains, et après avoir apprécié leur mode de fonctionnement, nous avons été submergés par une somme de questionnements.


En nous appuyant, d’une part, sur un compte rendu d’enquête réalisé par le RLI « les sablières » qui dresse un état des lieux général des LAM, et d’autre part, sur notre expérience de terrain, nous avons essayé de cadrer notre objet de recherche :

Etant donnée la diversité des structures d’accueil du dispositif LAM et la diversité des moyens dont elles disposent, on peut supposer que le fonctionnement du dispositif est lié à sa structure d’accueil. En considérant les présupposés soulevés par le compte-rendu de l’enquête, nous nous sommes posé une première question :

Comment le fonctionnement d’un Lieu d’Accès Multimédia peut-il être influencé par sa structure d’accueil ?

Et pour compléter notre réflexion, il nous a semblé important de porter notre attention sur les usagers, pour essayer de comprendre leur vision du dispositif LAM, et tenter par la même occasion de saisir leurs contributions éventuelles. Notre réflexion, s’est centrée sur les expériences de certains usagers qui fréquentent le LAM régulièrement. Ceci devait nous permettre de répondre à une deuxième question concernant les usagers.

Quel(s) apport(s) le fonctionnement du LAM a t-il pour ses usagers ?

Donc pour essayer de répondre à ces questions, nous avons décidé de nous centrer sur une seule et même structure d’accueil. Le choix du terrain a été influencé par notre mobilité. Nous avons choisi de faire notre stage dans un LAM de Montpellier qui est le Lieu Ressources Cassiopée.

Pour conduire notre recherche, nous avons adopté une posture compréhensive. Cette posture s’appuie sur le discours des acteurs, autrement dit, le sens est directement lié aux acteurs impliqués. Le positionnement compréhensif est associé à une méthodologie qui est dite qualitative. Le chercheur doit par cette démarche qualitative, faire un effort d’empathie. Dans la continuité de cette posture compréhensive, nous avons eu l’occasion de réalisé des interviews de l’ensemble des acteurs avec d’un côté le personnel du Lieu Ressources Cassiopée et d’un autre côté les usagers du dispositif LAM.

Une nouvelle classification des LAM :

Une réunion des responsables des structures d’accueil des LAM tenue au Conseil général de l’Hérault (le 24 mars 2005) a débouché sur une nouvelle classification des LAM (en trois familles).

• Les LAM « opérationnels » :

Les LAM « opérationnels » sont des organismes de formation qui accueillent et accompagnent le public dans un chantier d’insertion. C’est à dire que le dispositif LAM est mis à disposition des personnes inscrites dans un programme de qualification, de formation ou d’accompagnement individualisés.

• Les LAM « territoriaux » :

Les LAM « territoriaux » sont des LAM qui se trouvent dans des endroits peu habités ou peu développés. Le LAM remplit toute une série de fonctions ; il peut être un lieu de formation des fonctionnaires qui viennent se former à l’informatique, ou encore un lieu de consultation et de renseignement. Ces LAM sont aussi appelés « les LAM de développement local », c’est à dire que le LAM est dans un lieu faiblement peuplé où il ne trouve sa raison d’être qu’en multipliant ses fonctions et ses missions.

• Les LAM « sociaux » :

Enfin, la troisième famille. Les LAM dits « sociaux » sont des organismes où le public vient de sa propre initiative dans le but d’accomplir une activité informatique, comme dans le Lieu Ressources Cassiopée. Contrairement aux LAM « opérationnels », le public qui fréquente les LAM « sociaux » serait un public qui pousse la porte avec une demande sociale. Cette famille de LAM ne propose pas d’activités liées à la formation. Lors de notre recherche notre attention a été attiré par cette dernière famille de LAM dit « sociaux ».















Nos résultats de recherche.


L’animation

L’animation du LAM Cassiopée est conçue comme une médiation. Ce rôle de médiation est joué par l’animateur qui doit faire le lien entre des ressources en ligne et des usagers en démarche d’insertion. Pour accomplir sa tâche, il est soutenu par sa structure d’accueil. La mutualisation des compétences entre l’animateur et la secrétaire co-animatrice constitue un moteur pour le fonctionnement du LAM. Les actions au sein du LAM résultent d’un travail de groupe qui ne se limite pas seulement au personnel, les usagers sont fortement conviés à proposer leurs idées. Se revendiquant comme « sociale », le LAM de Cassiopée s’inscrit dans la continuité de la structure d’accueil, en mettant en avant plusieurs actions, comme l’échange des savoirs entre les usagers, et la mise en lien de ces derniers. Ici on pense particulièrement au rituel de la pause café.

Pour l’animation du LAM, les compétences et les savoir-faire du personnel sont capitalisés pour appuyer le rôle social du LAM. Accueillant le même public que sa structure d’accueil, le LAM Cassiopée ne néglige ce dernier ; on parle d’animation adaptée. Le but ; c’est d’avancer en fonction de la demande et du rythme des usagers, c’est à dire ne pas imposer de cadences contrairement à ce qui se fait dans les programmes de formation. La spécificité du public du Lieu Ressources marque fortement l’animation ; on parle de mise en confiance des usagers. Le LAM et le Lieu Ressources sont une scène dans laquelle les usagers en démarche d’insertion jouent un rôle et se définissent par rapport à une place qu’ils cherchent à trouver dans le monde professionnel. A ce sujet, Goffman nous parle de la notion de « face » : « elle sert à montrer à l’entourage que l’on est une personne douée de certaines qualités favorables ou défavorables ». Sans trop s’avancer dans une interprétation approximative, on peut dire que le LAM est un espace, ou une scène dans laquelle les usagers montreraient leurs qualités, Goffman nous parle de « mise en scène de son Moi ».

Chaque usager est pris dans sa globalité. A la démarche d’insertion s’additionnent parfois des problèmes personnels.



Les usagers

Chaque usager vient au LAM avec sa logique propre, c’est à dire qu’il est porteur d’une histoire personnelle et fréquente le LAM avec une demande spécifique. Sans vouloir prétendre à une exhaustivité, nous avons pu regrouper les apports du LAM Cassiopée pour ces usagers sous trois thèmes différents.


 Venir au LAM : c’est s’engager dans une action significative

On constate que l’ensemble des usagers manifeste le désir de pratiquer une activité ayant du sens pour eux et qui leur permet de rester actifs. Plusieurs exemples illustrent ceci. En effet, pour les usagers, le LAM constitue un espace dans lequel ils sont à l’œuvre de quelque chose. Pour certains, le LAM permet de s’occuper de soi en participant aux activités, alors que pour d’autres, celui-ci permet de rester au contact du multimédia ou encore de s’entraîner à l’informatique pour ne pas régresser. On peut supposer que cette volonté de rester actif est en relation avec la spécificité du public de l’association Lieu Ressources Cassiopée. En effet, ce public est en démarche d’insertion (RMI, Chômage). Venir au LAM représente probablement pour eux une façon de rester actifs en accomplissant une activité signifiante pour chacun.

 Venir au LAM : c’est rester en contact avec les autres

On remarque que, pour la majorité des usagers, le LAM est un espace d’échange et d’écoute. En effet, pour certains usagers, le LAM est un lieu de dialogue et de liberté d’expression dans lequel chacun trouve sa place sans se sentir à l’écart ou étranger. Par le biais de cet échange, les usagers mettent en avant un autre apport qui est l’échange de savoirs qui se fait à travers des ateliers thématiques. Pour d’autres, le LAM constitue un lieu d’écoute et de disponibilité de la part de l’équipe d’animation. C’est un espace où ils peuvent partager leurs préoccupations et leurs projets avec l’ensemble des acteurs. Par ailleurs, le LAM est qualifié par les usagers de lieu humain, où règnent la chaleur et la convivialité. On peut supposer que le LAM Cassiopée constitue pour les usagers un moyen de se sortir du quotidien que pourrait imposer leur statut précaire.

 Venir au LAM : c’est reprendre confiance en soi

Les activités proposées par le LAM semblent permettre aux usagers de reprendre confiance en eux. D’une part, dans le sens où le regard de l’animateur peut être constructif pour eux. L’encadrement, pour la majorité des usagers, est un élément qui favorise la prise de confiance en soi. D’ailleurs, des usagers nous parlent de cadre de travail ou encore de rôle éducatif. Certains d’entre eux, par exemple, ne se sentent
pas dévalorisés au LAM et pour d’autres, l’intérêt est de pouvoir travailler à leur rythme sans se sentir jugés.

D’autre part, venir au LAM permet aux usagers de rester à jour en accédant à de nouvelles connaissances. Cela permet aussi de tester le regard des autres sur leur propre démarche. Venir au LAM semble permettre aux usagers d’être à l’œuvre d’une action qui est susceptible de mesurer leurs capacités surtout quand on est dans une démarche d’insertion. Pour certains usagers, le LAM offre l’occasion de se perfectionner… de combler des lacunes de base en informatique…ou encore de maîtriser l’outil informatique.





Notre point de vue .

Finalement, le jugement du dispositif LAM émane d’abord des usagers. En effet, le fonctionnement mis en place ouvre de nouvelles perspectives pour l’usager. D’une part, le LAM propose une médiation enrichie grâce à la coordination et à la concertation de l’équipe d’animation. D’autre part, cette forme de médiation est enrichie par l’apport des compétences sociales du Lieu Ressources. Ici, c’est une manière particulière de travailler avec les usagers, leur permettant de reprendre confiance dans une expérience souvent nouvelle pour eux. Toutefois, le personnel, quelle que soit sa qualification, peut ne pas disposer de toutes les compétences pédagogiques ou sociales appropriées. D’où le besoin de se former pour s’adapter au public. Le LAM est une opportunité de développement pour le Lieu Ressources puisqu’il apporte des ressources informatiques nouvelles. La question concernant la pérennisation du dispositif LAM, s’installe comme un frein pour l’avenir de cette famille de LAM dite sociale. En effet, la structure d’accueil se trouve face à un obstacle qui fragilise la stabilité de son dispositif, notamment le poste d’animateur.

Conclusion

En définitive, lors du stage que nous avons effectué à Cassiopée, notre regard s’est porté particulièrement sur le Lieu d’Accès Multimédia. Cassiopée est le point central par lequel nous avons essayé d’analyser le dispositif LAM dans ses dimensions organisationnelle et sociale. Nous avons tenté de rendre compte de la complexité des rapports usagers/dispositif LAM (relation d’ordre technique) et des rapports humains/humains (relation de type affective).

Les usagers du dispositif sont volontaires et n'ont pas d’obligation de présence, mais ont tous comme point commun, le désir d’apprendre à se servir de l’outil informatique, les raisons qui les poussent à plus ou moins d’assiduité sont d’ordre personnel. Néanmoins les usagers sont tendanciellement, et non systématiquement, victimes de la précarité sociale, la relation au LAM se fait alors impérative et induit des enjeux et des intentions à la fois pragmatique, c’est à dire retrouver un emploi et psychologique, et suppose une valorisation de soi.
Le statut précaire comme dénominateur commun rassure les usagers du LAM Cassiopée qui ne se sentent plus seuls, leurs autoreprésentations changent par le biais des activités menées au LAM qui les « déstigmatisent ». Au LAM, les usagers se motivent mutuellement et n’entrent pas en compétition.

L’animation du LAM est marquée socialement ; chacun évolue à son rythme, la notion de progression de chacun est relative, c’est l’une des raisons qui contribue à la légitimation de cet espace. En se démarquant des autres structures, Cassiopée met en avant l’utilité du dispositif.

Finalement notre travail de recherche nous mène à d’autres interrogations, quelles solutions de remédiations aux difficultés permettront de stabiliser durablement le dispositif LAM Cassiopée ? Quel avenir pour les LAM ?



 
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